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Interview : Marie-Laure Allouis, auteure de « Prendre soin de son corps pendant un cancer »

7 minutes de lecture

Il y a quelques semaines, nous avons rencontré Marie-Laure Allouis, infirmière en bio-esthétique pour le pôle oncologie d’un grand hôpital parisien, à l’occasion de la sortie de son ouvrage « Prendre soin de son corps pendant un cancer ». Une véritable mine de conseils pratiques pour valoriser son image, prévenir et apaiser les maux physiques causés par la toxicité des traitements anticancéreux. Evidemment chez MÊME, cela nous a beaucoup parlé et nous avons voulu en savoir un peu plus !

Rencontre avec MARIE-LAURE ALLOUIS, auteure de « Prendre soin de son corps pendant un cancer »

Marie-Laure Allouis

MÊME : Pourriez-vous me parler de votre livre ?

Marie-Laure A. : J’ai écrit ce livre afin de partager toutes les connaissances que j’ai acquises après avoir travaillé 19 ans en tant qu’infirmière. Avant de me spécialiser en bio-esthétique il y a 7 ans, j’ai travaillé 12 ans au sein d’un service d’oncologie. Ces connaissances, je les ai acquises grâce à toutes les questions que me posaient les patients : lorsque je n’avais pas de réponse à leur apporter, je consultais les médecins. J’ai également bénéficié de plusieurs formations sur la toxicité des traitements. Ce livre est finalement un résumé de tous les effets secondaires qu’ont les chimiothérapies, immunothérapies et autres thérapies ciblées sur la peau, les cheveux, les ongles, les cils et les sourcils.

MÊME : Quel message souhaitez-vous que l’on retienne ? Quel a été votre fil rouge ?

Marie-Laure A. : Mon fil rouge, c’est la prévention. Plus on fait du préventif, moins les effets secondaires sont importants. Lorsque l’on se concentre sur le curatif, il faut plus de temps au corps pour cicatriser et revenir à la normale. La prévention paye, j’en suis convaincue !

MÊME : Ce message autour de la prévention a-t-il parfois du mal à passer ?

Marie-Laure A. : Je pense que ce message est surtout exprimé au moment des consultations d’annonce. Le problème, c’est que cette consultation est tellement dense que les patients passent à côté de beaucoup d’informations. Face à un cet effet « bourrage de crâne », certains retiendront un effet secondaire plutôt qu’un autre, tant et si bien que même les aspects « positifs » ou du moins importants ne seront pas entendus de la même façon.

MÊME : Ces soins sont-ils désormais mieux assimilés au protocole ?

Marie-Laure A. : Ils sont aujourd’hui complètement intégrés. D’ailleurs, des produits et des fiches de soin sont présentés aux patients dès la consultation d’annonce. On les invite à privilégier les huiles lavantes et les gels douches surgras et, surtout, on leur conseille de s’hydrater quotidiennement avec une crème hydratante. En revanche, il est inutile de recommander trop de produits : certains ont de petits moyens financiers, d’autres n’ont pas l’habitude d’utiliser autant de soins. Le mieux est d’aller à l’essentiel, surtout avec les hommes concernés par le cancer. Bien sûr, s’ils prennent goût aux cosmétiques, on leur en parle davantage !

MÊME : Les soins sont-ils de vrais moments d’échange avec les patients ?

Marie-Laure A. : Oui, certains pleurent, d’autres se confient. La dernière fois, en discutant avec une patiente, je lui ai demandé si elle allait bien. Elle m’a répondu « Non, pas du tout. » J’ai pensé à une rechute, elle était en réalité très affectée par des problèmes de sécheresse vaginale. Elle pensait que le fait de venir me voir lui ferait temporairement oublier ses démangeaisons. Je lui ai proposé quelques solutions – notamment des antifongiques et des lubrifiants – mais ce qui m’a le plus marquée, c’est la façon dont elle en parlait : ce problème lui empoisonnait la vie, autant que si elle avait rechuté. Elle ne pensait qu’à ça, elle n’en dormait plus…

MÊME : À ce propos, pensez-vous que certains sujets soient encore tabous ?

Marie-Laure A. : Oui, et c’est justement aux médecins d’en parler ! On évoque bien la sécheresse buccale, pourquoi ne pas faire de même avec la sécheresse vaginale alors que les deux surviennent en même temps ? Toutes les muqueuses sont concernées ! J’ai eu la chance de travailler avec un médecin qui, dès la première consultation, prévenait les patientes des risques de sécheresse buccale et en profitait pour leur demander si elles étaient concernées au niveau vaginal. D’emblée, ça décomplexe !

MÊME : Pouvez-vous me parler de votre métier ?

Marie-Laure A. : J’ai mis en place, au sein du service d’oncologie, un projet de prise en charge des patients pour tout ce qui concerne l’image corporelle. Lorsque je suis arrivée, on ne leur proposait que des catalogues sur les perruques. Quand ils posaient des questions sur la peau, sur le syndrome mains-pieds ou sur les ongles douloureux, personne n’était capable de leur répondre. Face à une telle souffrance et au manque de réaction alors que de plus en plus de nouvelles thérapies agissant sur la peau, les ongles, les cheveux, les cils et les sourcils faisaient leur apparition, j’ai pensé qu’il était temps de leur proposer une véritable prise en charge. Grâce à ce projet, on a aussi remarqué qu’en cas de toxicité cutanée trop forte, il était nécessaire d’arrêter le traitement, ce qui entraîne des conséquences sur le pronostic vital du patient. Depuis, je sens que les oncologues sont de plus en plus à l’écoute de leurs patients à ce sujet !

 

MÊME : Qu’aimez-vous le plus dans votre métier ?

Marie-Laure A. : Répondre à la toxicité. Je connais bien le fonctionnement des molécules et leurs conséquences, ce qui me permet d’agir de façon préventive. J’aime aussi me tenir informée des nouveaux traitements mis en place pour étudier leur degré de toxicité sur la peau, les ongles, les cheveux, les cils et les sourcils. Cela me permet de trouver des solutions. Le plus important pour moi, c’est que les patients ne souffrent pas.

MÊME : Trouvez-vous que l’on a fait des progrès dans ce domaine ?

Marie-Laure A. : Oui, c’est notamment le cas des traitements anti-EGFR. Aujourd’hui, les infirmières repèrent les premiers effets secondaires très rapidement. De mon côté, je suis les patients concernés à partir de la deuxième ou troisième injection. Je suis également appelée dès l’apparition de fissures ou de parochynie.

MÊME : Dans votre livre, vous parlez beaucoup du fait de valoriser son image. Quelqu’un qui ne connaît pas la maladie pourrait avoir tendance à trouver cela superficiel. Qu’en pensez-vous ?

Marie-Laure A. : Je suis infirmière en chimiothérapie. Lorsque l’on commence ce type de traitement, ce qui est altéré est ce qui se voit : la peau, les ongles, les cheveux, les cils et les sourcils. C’est une fois que l’on a plus ni cils ni sourcils que l’on semble le plus malade… Je me souviens de l’une de mes patientes, à chaque séance, elle s’offrait un petit cadeau. Le premier ? De la lingerie rouge ! Je vois ce geste comme une façon pour elle de compenser un manque, de se dire que ce qui ne se voit plus n’a pas disparu pour autant.

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Vous savez, quand on a l’air malade, les relations avec les autres changent. Combien de fois suis-je entrée dans une chambre, au moment d’une visite, dans laquelle personne ne parlait, où l’ambiance était très lourde et où des regards pleins de pitié et de compassion fusaient… Pourtant, malgré la chimiothérapie, les patients doivent rester du côté de la vie !

MÊME : Psychologiquement, prendre soin de soi, ça aide à se battre ?

Marie-Laure A. : Oui. Il faut, par exemple, essayer de voir la perruque comme un moyen de changer de style et s’amuser à essayer plusieurs looks ! Il ne faut pas non plus hésiter à mettre plus de bijoux et à jouer avec les couleurs (on évite le noir et le blanc près du visage pour ne pas avoir le teint blafard). Le secret, c’est de privilégier les couleurs froides comme le bleu et le rouge, elles donnent bonne mine !

MÊME : Auriez-vous, pour finir, un conseil pour les aidants ?

Marie-Laure A. : Evitez le chocolat et les fleurs ! (rires) En tant qu’aidant, on ne sait pas toujours quoi faire, pourtant les possibilités sont nombreuses. On peut essayer d’avoir une petite attention : offrir une casquette pour ceux qui aiment en porter ou des coffrets de produits MÊME, par exemple. 😉 Je me souviens également d’un jeune homme qui avait le sentiment d’être utile lorsqu’il massait les mains, les bras et les jambes de sa compagne. Les petites actions du quotidien font plus de bien que les regards pleins de pitié et de compassion que j’ai pu observer lors de visites… Pensez aussi à l’humour ! Ce n’est pas parce qu’on est malade que l’on ne doit pas rire ! C’est une belle façon de transmettre de l’énergie positive. Je pense notamment à cette patiente qui, un jour, m’a dit en plaisantant : « J’ai fait une rechute, mais je suis tellement contente de vous revoir que, finalement, c’est un mal pour un bien. » Finalement, à l’hôpital, on n’est pas dans le jugement. On ne voit que l’intérieur, comme les enfants… 🙂

Pour en savoir plus…

Le livre de Marie Laure Allouis Prendre soin de son corps pendant un cancer paru aux éditions Jouvence santé est disponible depuis le 26 février 2019.

 

 

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  1. J’adore, merci pour ce témoignage, ça donne vraiment envie de lire ce livre, l’essentiel garder le sourire, le moral, se faire plaisir dès qu’on peut, et se nourrir des bons moments de la vie, moi chaque matin : je disais merci à mon corps de tenir bon, je me regardais et me disais aller positive attitude et chaque soir je repensais à chaque bon moment de la journée (parce que même si on a de la chimio, de la radiothérapie, des douleurs, même si on est fatigué..il y a toujours un petit quelque chose de positif, d’agréable, de ressourçant dans une journée. Ca m’a beaucoup aidé et ça réconforte ceux qui vivent avec nous (les enfants) de nous voir sourire, de nous voir forte

    1. Bonjour Virginie,
      Merci beaucoup pour votre message et votre témoignage plein de positivité, c’est extrêmement inspirant de vous lire et cela nous touche beaucoup <3
      Merci mille fois également pour vos conseils !

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